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L’obligation de servir et la milice à l’épreuve de la politique de sécurité

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Photo de Kecko

Le chef du département de la défense a dû s’y reprendre à trois fois avant d’obtenir le feu vert du gouvernement pour soumettre à la consultation le projet de rapport sur la politique de sécurité (RAPOLSEC)  (DP 1367). Ueli Maurer est un mauvais élève qui peine à se soumettre à la discipline commune, car la ligne adoptée par le Conseil fédéral ne plaît pas à son parti.

Au final, le projet de rapport reste encore très lacunaire. A tel point que la commission de la politique de sécurité du Conseil des Etats a décidé d’intervenir dans le cadre de la procédure de consultation. Dans une lettre au Conseil fédéral datée du 2 juin dernier, elle justifie ce mode de faire inhabituel par «la portée dudit rapport pour la définition de la politique de sécurité au cours des prochaines années». Voilà pour les politesses.

En réalité les sénateurs sont insatisfaits d’un rapport lacunaire, superficiel et parfois contradictoire: terminologie imprécise, rédaction par copié/collé, absence de stratégie face aux dangers potentiels évoqués, manque d’harmonisation entre le RAPOLSEC et celui sur l’armée, absence complète de référence au contexte européen, adhésion non argumentée au système de milice sans présentation d’alternatives.

Sur ce dernier point, le débat est nécessaire. L’obligation constitutionnelle de servir relève aujourd’hui déjà de la théorie. Seuls 60% des conscrits sont aptes à servir à la fin de l’école de recrue, une proportion qui tombe à 50% à la fin des obligations militaires. Et le principe de la milice se conjugue toujours plus difficilement avec les exigences militaires et civiles. Le Centre pour les études de sécurité (CSS) de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich vient de publier une analyse comparative du service militaire obligatoire en Europe, utile pour le débat helvétique.

Vingt-cinq Etats européens sur 43 disposent actuellement d’une armée professionnelle. Au sein de l’Union européenne, 16 pays ont adopté ce modèle, la plupart depuis les années 1990. La Suède sera le premier Etat neutre de l’Union à s’y rallier en juillet prochain. L’Allemagne n’en est pas loin puisque seuls 35’000 de ses 255’000 soldats sont des conscrits. Des facteurs géostratégiques expliquent cette évolution. La fin de la guerre froide a affaibli le besoin d’armées à grands effectifs pour la défense du territoire. Par ailleurs l’éventail des tâches confiées à l’armée s’est élargi; les troupes d’appelés ne disposent pas des compétences et des disponibilités indispensables à la gestion des crises internationales – missions de rétablissement et de maintien de la paix. D’autre part les changements technologiques ont conduit à une spécialisation des troupes peu compatible avec le statut d’appelé.

Font exception à cette évolution les Etats géostratégiquement vulnérables, en particulier les voisins de la Russie et ceux qu’opposent un conflit latent, comme la Grèce et la Turquie. Et la Suisse, bien sûr, qui combine l’obligation de servir et la milice, à savoir une armée essentiellement formée d’appelés soumis à une formation récurrente sur plusieurs années.

Les partisans de l’armée de milice font valoir son coût avantageux. Un avantage douteux si l’on tient compte des coûts pour l’économie nationale induits par les absences au travail. Ils insistent également sur la fonction d’intégration sociale d’une armée réunissant toutes les couches de la société. Fonction que pourrait tout aussi bien remplir un service civil à la communauté.

Le Groupe pour une Suisse sans armée a annoncé le lancement d’une initiative populaire pour la suppression de l’obligation de servir. Pour la clarté du débat, le Parlement doit expliciter les missions de l’armée, de manière à définir ses besoins, aussi bien en effectifs qu’en compétences. Est-ce parce que ce débat risque fort de mettre en question aussi bien l’obligation de servir que le principe de milice que les autorités renâclent à cette tâche pourtant nécessaire?


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